Mise en page du blog

Dé-confinement, entre suppression et révision à la baisse des loyers commerciaux


Maître Laurent LATAPIE
L’heure du dé-confinement a sonné,

Cependant, celui-ci est partiel et bon nombre de commerce n’ont pas encore ré-ouverts.

Et pour ceux qui ont eu la chance de rouvrir, l’activité redémarre très lentement,

Les consultations et les questions se multiplient.

Bon nombre de chefs d’entreprises m’interrogent :

  •     Sur la possibilité d’obtenir une révision de loyer commercial à la baisse
  •     Sur une potentielle annulation des loyers pour la période de fermeture et de confinement.
  •     Enfin, sur l’éventualité de mettre fin au bail, lorsque malheureusement c’est la seule chose qui s’impose.

Concernant tout d’abord la suspension, voire de l’annulation des loyers dus pendant la période de confinement, il s’agit d’une question complexe.

Malgré́ les annonces présidentielles, pour l’instant, le droit en vigueur ne permet pas d’obtenir automatiquement une annulation, voire un report de ces loyers commerciaux.

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 mentionnait que le gouvernement était autorisé à prendre une ordonnance permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité́ afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures ».

Le texte précisait que ces mesures pourraient bénéficier aux microentreprises, au sens du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008, dont l’activité́ est affectée par la propagation de l’épidémie.

Pourtant, l’ordonnance relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité́ n° 2020-316, parue le 25 mars 2020, à la surprise générale, n’évoque plus de report des loyers.

L’article 4 de cette ordonnance prévoit seulement que les personnes bénéficiaires du fonds de solidarité́ :« ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages- intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622- 14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré́ par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».

A bien y comprendre, une fois de plus les grandes déclarations politiques ne sont pas suivis de vrais effets concrets.

La doctrine considère néanmoins la possibilité́ de se prévaloir des règles de droit commun, en invoquant en particulier l’exception d’inexécution et la force majeure, mais en l’absence, pour l’instant, d’application jurisprudentielle, il n’est pas certain que ces exceptions au paiement du loyer soient admises.

Pour autant, je pense que ces actions ont tout leur sens.

Il y a matière à engager des actions aux fins de nullité des loyers commerciaux pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

S’agissant par ailleurs de la révision du loyer à la baisse, une révision à l’échéance triennale semble possible, à la condition que le loyer actuel, résultant de l’application de l’indice des loyers commerciaux applicables, ne corresponde pas aux prix du marché́.

En effet, en application de l’article L145-33 du Code de commerce, « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ».

En conséquence, si la valeur locative est inferieure au loyer plafond résultant du jeu de l’application de l’ILC, le loyer sera fixé à cette valeur.

La demande de révision est en effet ouverte aux deux parties, quel que soit le sens de la variation des indices, comme le précise l’article L145-37 du Code du commerce. 

Elle peut être faite par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec accusé de réception, à tout moment en cours de bail, à condition qu’un délai de trois ans au moins se soit écoulé́ depuis la date d’entrée en jouissance du locataire ou depuis le jour où un nouveau prix est applicable suite à une précédente demande de révision ou fixation du loyer.

S’agissant de l’opportunité́ d’une telle action en révision à la baisse, il apparait essentiel de connaitre les prix couramment pratiqués dans le voisinage, pour vérifier si le loyer est véritablement surévalué́.

Il est alors intéressant de disposer de baux concernant des locaux commerciaux proches.

Le recours à un expert amiable peut s’avérer également utile, mais avant d’engager des frais, il serait important de se procurer des baux voisins pour connaitre les prix pratiqués aux alentours.

Enfin, sur l’éventualité́ de mettre fin au bail,

La demande de résiliation par ta cliente doit classiquement être faite au plus tard, par acte extrajudiciaire ou par courrier recommandé avec accusé de réception pour avoir date certaine, comme le précise l’article L145-4 du Code du commerce. Et ce, classiquement au moins 6 mois avant chaque période triennale.

Attention, cependant, aux stipulations contraires dans le bail car bon nombre de dérogations contractuelles sont possibles s’agissant d’un contrat d’une durée supérieure à 9 ans.

Dans tous les cas, il est utile de voir cela avec son avocat.
Contacter Me Laurent LATAPIE
par Maître Caroline Yadan Pesah 29 mai, 2020
Retrouvez en vidéo les questions réponses en Droit de la Famille de Me Yadan Pesah :
par Maître Louis CHOCHOY 27 mai, 2020
L’ordonnance du tribunal de commerce de Paris est tombée vendredi 22 mai 2020 : la compagnie d’assurance Axa France est tenue d’indemniser la perte d’exploitation d’un restaurateur parisien, à la tête de quatre établissements dans la capitale. Une décision défavorable à l’assureur français qui a fait appel, mais qui pourrait en entraîner de nombreuses autres. Face à la pandémie mondiale de Covid-19, le gouvernement français a été contraint de fermer de nombreux commerces accueillant du public. L’arrêté ministériel en date du 14 mars 2020 a ainsi précisé les modalités de ces nouvelles règles impactant les commerçants français. En l’espèce, le 16 avril 2020, le restaurateur a transmis au tribunal de commerce de Paris une demande visant à assigner en référé la société Axa France, consécutivement au refus de la compagnie d’indemniser les pertes d’exploitation dues à la fermeture administrative de son restaurant. Selon le restaurateur, relayé par la presse, la police d’assurance du restaurant prévoit expressément « une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité ». Cependant, selon la compagnie d’assurance, une pandémie revêt un caractère inassurable. Aussi, selon Axa France, la fermeture n’a pas été imposée par le préfet, mais par le ministre de la Santé, ce qui l’exempte de payer. Axa France s’appuyait également sur le fait que toute fermeture administrative soit consécutive à la réalisation préalable d’un évènement garanti par le contrat. Une nouvelle fois, l’écriture et l’interprétation des clauses contractuelles sont au cœur du litige ! Autre renseignement à la lecture de l’ordonnance, Axa France soutient que l’arrêté ministériel interdit uniquement au restaurateur d’accueillir du public, mais pas de pratiquer la vente à emporter. Dès lors, la fermeture de l’établissement incombait au chef d’entreprise. Par son ordonnance de référé rendue ce vendredi 22 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris balaye les arguments de l’assureur et donne raison au restaurateur parisien. Le tribunal précise notamment que par le passé, le restaurant n’a jamais pratiqué de vente à emporter, et que, même si cela était possible, recevoir du public est fondamental pour un restaurant traditionnel. En conséquence, la juridiction a ordonné à la compagnie d’assurance de l’indemniser à hauteur de 45 000 euros (exécution provisoire). Nonobstant la volonté d’Axa France de faire appel, cette décision ouvre une voie importante pour chaque commerçant ayant subi une perte d’exploitation en raison de la pandémie de Covid-19, et qui négocie actuellement avec son assureur. Cela dit, il est primordial d’analyser minutieusement chaque contrat d’assurance. En effet, le tribunal de commerce de Paris, sans juger au fond (procédure en référé), s’est limité à se prononcer sur l’application d’un contrat d’assurance. Nul doute que les téléphones des assureurs sonneront davantage ces prochains jours !
par Maître Louis CHOCHOY 27 mai, 2020
La décision du Tribunal de commerce de Nanterre du 26 février 2020 va sans doute faire jurisprudence à plus d’un titre. Si les arrêts portant sur les cryptomonnaies sont rares, celui-ci l’est d’autant plus au vu des questions soulevées : quelle qualification pour le bitcoin ? Qu’en est-il pour le contrat de prêt de bitcoin entre entreprises ? Enfin, après un fork [1], qu’advient-il des bitcoins prêtés qui ont permis l’octroi de nouveaux tokens ? En l’espèce, le litige opposait la société française P. [2], qui, entre mai 2014 et juin 2016 a prêté à la société britannique B. [3] la somme de 1.000 Bitcoins (BTC) avec intérêts, payables en BTC. Pour la compréhension de l’affaire, il est nécessaire de savoir que le 1er août 2017 voyait naître BitcoinCash (BCC), fork de Bitcoin. Chaque propriétaire d’un BTC devenait aussi propriétaire d’un BCC. Entre temps, la société française avait accordé à BitSpread, un prêt de 200.000 euros, puis conclu différentes prestations de services à son bénéfice. I - Le Bitcoin « consomptible » et « fongible » à l’instar de la monnaie légale. Afin d’obtenir d’emblée les fruits (BCC) du Bitcoin, La société P. invoquait que les Bitcoins sont des biens meubles immatériels, non fongibles. Dès lors, le prêt consenti en l’espèce devait s’apparenter à un prêt à usage. Or, cette argumentation n’a pas été retenue par le Tribunal de commerce de Nanterre. Les magistrats estiment en effet : - sur la consomptibilité : « le BTC est « consommé » lors de son utilisation, que ce soit pour payer des biens ou des services, pour l’échanger contre des devises ou pour le prêter, tout comme la monnaie légale, quand bien même il n’en est pas une ; que le BTC est donc consomptible de par son usage » ; - sur la fongibilité : Les BTC sont fongibles car de « même espèce et de même qualité » en ce sens que les BTC sont tous issus du même protocole informatique et qu’ils font l’objet d’un rapport d’équivalence avec les autres BTC permettant d’effectuer un paiement au sens où l’entend l’article 1291 ancien du Code civil, devenu l’Article 1347-1 du même Code lequel dispose en son deuxième alinéa que : « Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre ». Ainsi, la qualification juridique des trois contrats de prêts établis entre les deux sociétés est celle de prêt à la consommation. L’ensemble des conséquences liées à cette qualification s’appliquent donc au prêt de BTC : transfert de propriété et des risques liées à la possession de la chose, et obligation de remboursement. Enfin, lorsqu’il s’agit de biens fongibles, seul l’enrichissement injustifié [4] oblige une indemnisation au prêteur. Il n’en est rien en l’espèce étant donné que le fork BCC avait eu lieu postérieurement à la conclusion des contrats de prêts. La société anglaise n’a donc pas à restituer les 1.000 BCC qu’elle a obtenu à la suite du fork. Si l’on comprend le raisonnement des magistrats du tribunal de commerce, on peut se poser la question de savoir si les CGU de la société P. mentionnaient à l’époque la possibilité d’un fork, et donc du sort des fruits qui seraient potentiellement distribués. Cependant, avant le 1er août 2017, un tel événement ne s’était jamais produit. Aujourd’hui, une telle clause dans des CGU apparaît primordial. II - Le droit de rétention et de résiliation du compte de l’emprunteur. Problématiques plus contractuelles, deux autres questions ont été abordées dans cette espèce. Malgré plusieurs relances de la part de la société P., la société B. n’a pas procédé à plusieurs remboursements. Conformément à ses CGU, la société française a par conséquent fait usage de son droit de résiliation du compte du client, arguant notamment, la mauvaise foi ce celui-ci. En parallèle, les magistrats ont donné raison à la société P. d’avoir fait légalement usage de son droit de rétention des BTC dont était titulaire la société B., en raison du non-paiement des intérêts liés au prêts de 2014 et 2016 [5]. Il ne fait aucun doute que cet arrêt va amener les plateformes de transactions, d’échanges et de stockage de cryptomonnaies à modifier leur CGU en y intégrant des clauses spécifiques. Pour l’heure, les parties n’ont pas pris la décision de faire appel de cet arrêt que l’on peut qualifier d’historique. Notes : [1] Scission de la blockchain créant une nouvelle cryptomonnaie à partir d’une ancienne. [2] Société Paymium. [3] Société BitSpread. [4] Article 1303 et suivants du Code civil. [5] Eux aussi payables en BTC.
par Maître Jean-Luc Braunschweig-Klein 25 mai, 2020
La loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 a été publiée au Journal officiel. Outre la prorogation, cette loi accorde des garanties aux salariés qui seront mis en quarantaine. Qu’entend-on par mise en quarantaine ? La mise en quarantaine, au sens de l’article L 3131-15, I-3° du Code de la santé publique (qui renvoie au règlement sanitaire international de 2005 de l’Organisation mondiale de la santé), signifie la mise à l’écart des personnes suspectes mais pas malades, à distinguer du placement ou maintien en isolement qui concerne les personnes contaminées. Selon l’article L 3131-15 du Code de la santé publique tel que modifié par cette loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, les décisions administratives de mise en quarantaine ou d’isolement (prises par le préfet sur proposition du directeur de l’ARS) ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national, en Corse ou encore dans l’une des collectivités territoriales d’outre-mer. Quelles sont les garanties accordées aux salariés mis en quarantaine ? – Protection contre la rupture du contrat de travail L’article 6 de la loi ajoute un article L 1226-9-1 au Code du travail qui rend applicables aux personnes mises en quarantaine, mentionnées à l’article L 3131-15, I-3° du Code de la santé publique, les dispositions des articles L 1226-7 à L 1226-9 du Code du travail relatifs à la suspension du contrat de travail et à la protection contre sa rupture en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. – Neutralisation des périodes de quarantaine pour l’intéressement et la participation Lorsque les accords d’intéressement ou de participation prévoient un calcul des primes en fonction du temps de présence du salarié, le salarié placé en quarantaine en raison d’une suspicion de Covid-19 ne sera pas pénalisé par cette absence pour le calcul de l’intéressement et de la participation. Une rupture de l’égalité entre salariés en quarantaine et malades du Covid-19 ? En effet, la mesure prévue accorde une protection pour les personnes mises en quarantaine supérieure à celle en vigueur pour les salariés malades du Covid-19 étant donné qu’en l’état actuel des textes, il n’est pas prévu que les salariés atteints du Covid-19 soient systématiquement reconnus en accident du travail ou maladie professionnelle. A suivre donc… Les dispositions ci-dessus sont entrées en vigueur le 13 mai 2020, lendemain de la publication de la loi au JO, les dispositions de l’article 13 de la loi prévoyant son entrée en vigueur immédiate ayant été censurées par le Conseil constitutionnel (Cons. constitutionnel. 11-5-2020 no 2020-800 DC).
par Maître Laurent FELDMAN 25 mai, 2020
En 2017, nous avions annoncé une évolution de l’appréciation par les tribunaux des atteintes à l’E-réputation des entreprises. ( https://www.village-justice.com/articles/DIFFAMATION-EST-PAS-DENIGREMETN-VICE-VERSA-suite,24328.html ) Nous avions alors dressé l’état de la jurisprudence, encore rare et observé un frémissement, l’apparition de microfissures dans l’autel de la protection de la liberté absolue d’expression dont le TGI était le gardien. Aujourd’hui, la stratégie procédurale est plus claire et c’est la juridiction consulaire qui semble marquer les contours d’un nouveau chemin à travers plusieurs affaires de condamnation pour dénigrement. Le 27 avril dernier, en pleine période de confinement, le tribunal de commerce de Paris a rendu une décision contre TRIP ADVISOR intéressante à plusieurs égards. Si le tribunal judicaire a maintenant une compétence exclusive en ce qui concerne les procédures initiée sur le fondement de la diffamation, le tribunal de commerce reste compétent s’agissant du dénigrement. Pour rappel, la diffamation est l’atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne toujours régit par les dispositions coercitives de la loi sur la liberté de la presse de 1881. Le dénigrement est une construction jurisprudentielle sur le fondement de la responsabilité délictuelle qui sanctionne un acte anticoncurrentiel sous l’article 1240 du Code Civil. Il s’agit d’une critique, souvent malveillante ou biaisée des services ou des produits d’une entreprise. Dans l’instance qui nous occupe, « BDV » reprochait à TRIPADVISOR de laisser dénigrer ses services dans les forums de discussion. TRIP ADVISOR, sur le modèle des GAFA, est, en dehors de ses activités de « guide », une entreprise de tourisme d’une importance considérable ( https://www.village-justice.com/articles/suppression-des-avis-sur-internet-justice-potentat,31934.html ) Comme on peut l’imaginer, la critique des services de BOURSE DES VOLS aurait pour conséquence que la clientèle se détourne au profit d’autres sociétés de tourisme et donc au profit de TRIP ADVISOR. TRIP ADVISOR quant à elle, fonde sa défense sur la liberté d’expression et sur l’exception d’incompétence du tribunal de commerce s’agissant non pas de dénigrement mais de diffamation. Elle soulève en outre l’incompétence rationae loci en présence d’une clause compromissoire de ses conditions générales et qui donne compétence aux tribunaux du Massachussetts. Il s’agit là bien sûr d’une fin de non-recevoir, avancée avant toute défense au fond et couramment utilisé par les sociétés de l’internet internationales qui regimbent à accepter les juridictions du droit national. Le tribunal de commerce s’appuie sur l’article 48 du Code de Procédure Civile pour la rejeter. « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée. » Ainsi, le juge, effectuant une analyse des conditions générales d’utilisations de TRIP ADVISOR, soulèvera le caractère non apparent de telle clause en ces termes : « Attendu que l’examen des conditions générales de 2013, fait apparaître que le paragraphe « Droit applicable et tribunaux compétents » ou figure l’élection de for et la loi applicable est rédigée en petits caractères dans la même très petite taille de police que l’ensemble du texte des conditions générales et ne se différencie pas des autres paragraphes ; qu’il figure au milieu de trois pages de paragraphes sans qu’il ne soit facilement possible à l’œil de le distinguer du reste des autres paragraphes des CGU ; Attendu de plus qu’à l’intérieur de ces conditions générales la société TripAdvisor LLC a souhaité rendre plus visible dans le paragraphe de la clause « Utilisation des salles de réunion, Informations télématiques et autres forum de discussion » sa deuxième partie qui énonce « tripadvisor ne revoit ni ne contrôle… » en l’inscrivant en gras de telle sorte que la société TripAdvisor LLC a elle-même souhaité rendre plus apparent cette partie du paragraphe à l’intérieur des CGU, considérant que seul ce texte devait être très apparent ; En conséquence le tribunal dira sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens que la clause attributive de compétence de la société TripAdvisor LLC, faute d’être spécifiée de façon très apparente, est nulle et en conséquence que le droit français est applicable et ses tribunaux compétents ; » De manière classique, TRIP ADVISOR sollicitera en deuxième lieu l’incompétence rationae materiae du tribunal de commerce en arguant du caractère diffamatoire des propos qu’on lui reproche donnant ainsi compétence exclusive au tribunal judiciaire de Paris. Il est à noter que l’application de la procédure de diffamation dans ces affaires entraîne invariablement la prescription ou la nullité pour non accomplissement de formalités propres à cette procédure. Cette exception est rejetée par le tribunal de commerce au motif que les critiques discutées sont dirigées vers le site « BOURSE DES VOLS » lequel est un service de la société VIATICUM et non vers la personne morale elle-même, laquelle n’est pas même citée. « Qu’en l’espèce, relève du régime juridique du dénigrement les propos incriminés publiés sur le site de la société TripAdvisor LLC, en ce qu’ils critiquent un produit, à savoir le service BDV de la société Viaticum et la qualité des prestations fournies par celui-ci, mais ne portent pas sur le comportement de la société Viaticum, personne morale parfaitement identifiée, jamais mentionnée ; » Le tribunal de commerce de Paris renvoie les parties au fond à une autre audience. Le tribunal de commerce rend de ce fait, peut être volontairement, à la juridiction commerciale la prérogative du respect du principe de loyauté dans le commerce entre commerçants. La juridiction civile est cependant sur un autre registre. Celui du principe de la liberté d’expression appliqué particulièrement aux consommateurs utilisant des forums de discussion pour « s’exprimer » sur des produits ou des services. Le tribunal judicaire considère encore majoritairement que la liberté d’expression laissée aux intervenants sur les forums, même si leur qualité de consommateur n’est pas avérée, doit être pleine et entière. Le seul rempart est la loi de la presse de 1881 et ses dispositions sur la diffamation. Pour exemple, le tribunal de commerce de Paris avait dans une ordonnance de référés en date du 14 juin 2019 condamné Mr X et la société nouvelle des annuaires français a cessé tout acte dénigrant envers la société QWANT. Saisie sur appel, la Cour de Paris infirme l’Ordonnance du tribunal en requalifiant les critiques en diffamation, passant de manière lapidaire sur les propos tenus en établissant qu’il ne s’agissait pas d’une critique des services de QWANT. « A l’évidence ces propos imputés à M. X visent uniquement la société intimée, personne morale et son dirigeant parfaitement identifiés à l’exclusion de ses produits ou services puisqu’ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la qualité des prestations fournies par la société Qwant mais portent sur le comportement de cette dernière et sont susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa considération en » CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 8 janv. 2020, n° 19/12952. La Cour donne au surplus une définition du dénigrement : « Il en résulte que les allégations qui n’ont pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par une société, même si elles visent une société nommément désignée ou son dirigeant, relèvent du dénigrement, dans la mesure où elles émanent d’une société concurrente de la même spécialité exerçant dans le même secteur et sont proférées dans le but manifeste d’en détourner la clientèle. » En conséquence, elle en déduit qu’il faut que les propos émanent d’un concurrent direct du même secteur pour fonder un dénigrement. Or, par une décision antérieure et pour une autre espèce, en date du 11 juillet 2018 de la Cour de Cassation, le dénigrement ne semble plus être réduit à une situation de concurrence directe. Par un attendu de principe, la Cour énonce que : « … même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement ; » Arrêt n°735 du 11 juillet 2018 (17-21.457 ) - Cour de cassation - Première chambre civile. Mais aussi Cour de cassation, ch. com., 9 janvier 2019, n° 17-18.350. https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_commerciale_financiere_economique_3172/2019_9124/janvier_9125/64_9_41105.html Cette décision semble avoir inspirée par ailleurs le tribunal de commerce de Versailles dans une affaire YUKA C/ FIAC du 5 mars 2020. « https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-commerce-de-versailles-ordonnance-de-refere-du-5-mars-2020/ » YUKA est une application mobile qui permet de scanner les produits alimentaires et cosmétiques en vue d’obtenir des informations détaillées sur l’impact d'un produit sur la santé. Elle compte 12 millions d’abonnés. Par un article de son blog, l’auteure mettait en cause l’utilisation de plastique et de métal dans les emballages des produits consommés. La Fédération de l’industrie des aliments conservés (FIAC) tenait ces propos pour dénigrants et en demandait la suppression. Le tribunal, en rappelant l’attendu de la Cour de Cassation : « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. » ; Condamne YUKA pour dénigrement au motif suivant : « la tonalité des propos contenus dans le blog manque de mesure par une généralisation abusive relative à tous les emballages dans lesquelles les aliments sont conservés ;que l’information transmise par l’article litigieux manque aussi de base factuelle suffisante , qu’elle se fonde sur une source unique, laquelle est citée à mauvais escient et interprétée de manière extensive ; » Reste une incompréhension. L’attendu de la Cour de Cassation insiste sur un second élément nécessaire pour que le dénigrement soit constitué. Il faut que l’information donnée se rapporte à un sujet général sous réserve qu’elle soit exprimée avec mesure. Or, il est incontestable qu’un sujet de santé publique comme la possible dangerosité des emballages est d’intérêt général. Le juge doit donc, pour écarter ce point, démontrer que la discussion dont s’agit manque de mesure. S’agissant d’une demande en référés, il n’est pas évident que l’appréciation du caractère outrancier d’une opinion soit de sa compétence. D’ailleurs, un sujet d’intérêt général ne se caractérise-t-il pas par sa vocation à être débattu ? Pas à pas se dessine toutefois une définition plus précise du dénigrement et de son application à l’E-réputation. Le nombre de contentieux augmentant sensiblement, entre la loi de 1881 et les retombées jurisprudentielles de l’article 1240 du Code Civil, il serait bon de réfléchir à un traitement spécifique de la réputation sur internet pour les commerçants. Certainement à suivre…
par Maître Florent Bacle. Cabinet DROUINEAU 1927 18 mai, 2020
Le 15 mai 2020 a été publiée une ordonnance 2020-560 qui a quelque peu changé la donne s’agissant de la prorogation des délais de procédure (prévue par l’ordonnance 2020-306). Cette nouvelle ordonnance 2020-560 circonscrit la prorogation des délais prévus par l’ordonnance 2020-306 aux délais ayant expirés entre le 12/03 et le 23/06 (et non plus un mois après l’expiration de l’état d’urgence sanitaire) Ainsi, les actes, recours, actions, formalités (etc) qui auraient dû être accomplis pendant cette période seront réputés avoir été fait à temps s’ils sont effectués à compter du 23 juin et pour la période légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. A titre d’exemple, le recours contre un jugement au fond du tribunal judiciaire qui devait être fait entre le 12 mars et le 23 juin pourra toujours être régularisé avant le 23 juillet 2020 minuit. Des conclusions d’intimés qui devaient être signifiées devant la Cour dans un délai de trois mois expirant entre le 12 mars et le 23 juin pourront être régularisées avant le 23 août 2020 (et non 23 septembre car la prorogation est limitée à deux mois) Quel est l’impact de cette ordonnance sur la saisie immobilière? S’agissant des délais de saisie immobilières(hors procédure de distribution), l’ordonnance 2020-560 ne semble rien changer car les délais sont toujours suspendus pour la période allant du 12/03 au 10 août 2020 (EUS+1 mois). C’est en tout cas ce qui semble ressortir de la lecture de l’article 2 de l’ordonnance 2020-304 au 15 mai 2020 . Celui-ci dispose en son point II-3°que par dérogation, » Les délais mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72 du code des procédures civiles d’exécution sont suspendus pendant la période mentionnée à l’article 1er… On pourrait (légitimement) penser que l’article 1er qui est visé est l’article 1er de l’ordonnance 2020-306, qui vise la période du 12/3 au 23/06. Or, à défaut de mention de renvoi à un autre texte, il semble que l’ordonnance 2020-304 (version 15 mai 2020) renvoie nécessairement à son propre texte et donc à l’article l’art 1 de la même ordonnance qui vise la période allant du 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, en ce qui concerne les délais de saisie immobilières(hors procédure de distribution), il semble selon l’auteur de ces lignes que les délais sont suspendus du 12 mars 2020 au 10 août 2020. A première vue, on pourrait considérer qu’il s’agit là d’une simple omission, et que le rédacteur a oublié de préciser que l’article 1 visé au point II-3° était bien évidemment l’article 1er de l’ordonnance 2020-306. Mais en y réfléchissant, on peut penser qu’il ne s’agit pas d’un oubli, mais bien d’une volonté de prendre en considération le fait qu’en matière de saisie immobilière (hors distribution), les délais sont suspendus (et non prorogés) de sorte que le délai qui s’est écoulé avant le 12 mars 2020 ne recourt pas, d’où la nécessité de laisser un délai de régularisation plus long pour les délais de saisie immobilières (hors distribution). Quant à la question de savoir pourquoi les délais relatifs à la procédure de distribution ne font pas l’objet d’une suspension mais d’une simple prorogation (alors que la Cour de cassation estime que la procédure de vente et la procédure de distribution constituent une seule et même instance), là, le mystère reste entier.
par Maître Avi BITTON 18 mai, 2020
En cas de poursuites pour diffamation, le prévenu peut invoquer sa bonne foi comme moyen de défense. Qu’est-ce que la bonne foi ? Comment la démontrer ? La diffamation est définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ». Il existe deux types de faits justificatifs en matière de diffamation : - La bonne foi. - L’exception de vérité. Un fait justificatif est un moyen pour une personne poursuivie d’écarter sa responsabilité pénale. La jurisprudence recherche traditionnellement la réunion de quatre critères pour établir la bonne foi de la personne poursuivie (I). Toutefois, deux critères émergent progressivement et peuvent parfois être substitués aux critères classiques (II). I/ Les critères traditionnels. La preuve de la bonne foi nécessite de pouvoir établir : - l’absence d’animosité personnelle, - la légitimité du but poursuivi, - la prudence et la mesure dans l’expression, - la vérification des sources. 1/ L’absence d’animosité personnelle. Pour établir l’absence d’animosité personnelle, il est nécessaire de prouver que la personne poursuivie n’avait aucun ressenti antérieur et étranger à l’imputation poursuivie. 2/ La légitimité du but poursuivi. La légitimité du but poursuivi quant à elle impose que le propos litigieux ait pour finalité de contribuer à un débat politique, historique, intellectuel ou scientifique. Autrement dit, l’information doit légitimement intéresser le public. 3/ La prudence et la mesure dans l’expression. Le juge doit également apprécier la prudence et la mesure dans l’expression. En effet, la bonne foi peut difficilement être établie si le ton utilisé est violent, outrancier ou provocateur. Par exemple, qualifier un maire « d’élu qui n’est pas digne de la République » a été jugé diffamatoire. Dans cette affaire la bonne foi du journaliste n’a pas pu être établie [1]. De même il a été jugé que s’il n’était pas interdit à un juge d’instruction de donner son avis personnel sur une affaire qu’il avait pu connaître dans le passé, il ne pouvait pas exposer son point de vue sans rappeler objectivement les « éléments essentiels pour l’information des lecteurs », en l’espèce la décision d’acquittement dont avait bénéficié la partie civile [2]. 4/ La vérification des sources. Enfin, le dernier critère devant être établi est la vérification des sources. Par exemple, il a été jugé qu’un journaliste qui reproduit un texte diffamatoire dont il n’est pas l’auteur commet une diffamation. La chambre criminelle rappelle que « la reprise par le journaliste, des propos tenus par un tiers (dans le cadre d’une interview), ne fait pas disparaître l’obligation à laquelle il est tenu d’effectuer des vérifications sérieuses pour s’assurer que ceux-ci reflètent la réalité des faits » [3]. II/ Les critères émergeants. Sous l’impulsion de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, de nouveaux critères permettent de caractériser la bonne foi et d’écarter la responsabilité pénale de l’auteur poursuivi pour diffamation. 1/ Le débat d’intérêt général. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a érigé « le débat d’intérêt général » comme nouveau critère. Elle juge que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique agissant en sa qualité de personne public que d’un simple particulier » [4]. Dans la droite ligne de cette jurisprudence, la chambre criminelle admet que pour apprécier la bonne foi de la personne poursuivie, les juges peuvent tenir compte notamment « du caractère d’intérêt général du sujet sur lequel portent les propos litigieux et du contexte politique dans lequel ils s’inscrivent » [5]. Le débat d’intérêt général ne se limite pas aux critiques portés aux personnalités politiques. Par exemple, la chambre criminelle a jugé qu’un écrit incriminé « relatif au conflit israélo-palestinien de la bande de Gaza, traitait d’un débat portant sur la couverture médiatique d’un évènement ayant un retentissement mondial et constituant un sujet d’intérêt général au sens de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ». L’auteur pouvait donc voir sa bonne foi établie [6]. 2/ La base factuelle suffisante. Enfin, un second critère émerge également, il consiste à établir « la base factuelle suffisante ». Ainsi, la bonne foi peut être établie en apportant la preuve que le prévenu disposait d’éléments suffisants pour s’exprimer au moment où il l’a fait. Par exemple, il a été jugé que « les propos incriminés, qui s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général sur l’achat et la gestion, par des multinationales de l’agro-alimentaire parmi lesquelles la société Bolloré, de terres agricoles essentiellement situées en Afrique, en Asie et en Amérique latine et reposaient sur une base factuelle suffisante constituée par plusieurs rapports d’organismes internationaux ». Par conséquence ils ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression et le prévenu a été relaxé des faits de diffamation pour lesquels il était poursuivi [7]. Notes : [1] TGI Paris 20 mai 2011 [2] Cass. Crim 17 novembre 2015 n° 14-81.410 [3] Cass. Crim 8 avril 2008 n° 07- 82972 [4] CEDH 1er juillet 1997, Oberschlick c/ Autriche [5] Cass. Crim 19 janvier 2010 n°09-84.408 [6] Cass. Crim 10 septembre 2013 n° 12-81990 [7] Cass. Crim 7 mai 2018 n° 17-82663
par Maître Louise BARGIBANT 11 mai, 2020
En cette période inédite liée au covid-19 et aux mesures de confinement qui en découlent, des questions se posent pour les personnes ayant signé un compromis de vente pour un achat immobilier. En effet, à l’heure où les délais bancaires sont allongés et les offices de notaires pas toujours équipés pour une signature à distance, quelques maillons de la chaîne d’un achat immobilier sont paralysés. Les projets immobiliers risquent de prendre plus de temps... On peut alors légitimement se poser la question de la prolongation de certains délais liés à un achat immobilier déjà enclenché notamment par la signature d'un compromis de vente. L'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 a prévu un aménagement des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. L'objectif de cet article est de faire le point sur ces nouveaux délais notamment s'agissant du droit de rétractation et de la condition suspensive d'obtention d'un prêt. Rappel sur le droit de rétractation Vous le savez certainement, acquéreurs non-professionnels, lorsque vous signez un avant-contrat (compromis de vente) pour un achat immobilier, vous disposez d’un délai de « rétractation » (ou de « réflexion ») de dix jours. En effet, l’acquéreur non professionnel d’un immeuble d’habitation peut se rétracter dans un délai de dix jours qui court à compter du lendemain de la notification qui lui est faite de l’avant-contrat. C’est l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui le prévoit : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte. » En clair, si le compromis de vente vous est notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, vous pouvez, le lendemain de la première présentation de la lettre vous notifiant l'avant-contrat et pendant dix jours, vous rétracter sans frais c’est-à-dire renoncer à acquérir le bien étant précisé qu’il s’agit d’un droit discrétionnaire (vous n’avez à justifier d’aucun motif). Votre rétractation devra se faire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (ou tout autre moyen présentant des garanties équivalentes par exemple l’exploit d’huissier). Rappel sur la condition suspensive d’obtention d’un prêt Vous le savez également certainement, lorsque votre compromis de vente prévoit que vous allez recourir à un prêt, il va prévoir une « condition suspensive d’obtention d’un prêt ». En effet, l’article L. 313-1 du Code de la consommation prévoit : « Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement. » Cela signifie que, lorsque le compromis de vente prévoit l’acquisition du bien immobilier au moyen d’un prêt immobilier, il est prévu que la vente se réalisera sous la condition suspensive de l'obtention du prêt et que la durée de cette condition suspensive doit être au minimum d’un mois. Mais, quid du délai de rétractation en période de confinement ? En cette période inédite liée au COVID-19 et aux mesures qui en découlent, une ordonnance du 25 mars 2020 a prévu la prorogation des délais échus pendant "une période juridiquement protégée". A ce titre, l’article 2 de cette ordonnance dispose : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er [délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré] sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.» Suite à cette ordonnance qui n'excluait pas le délai de rétractation des prorogations de délais, nous avons d'abord pensé que cela signifiait que si la notification du compromis de vente intervenait pendant la période juridiquement protégée – soit entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré – il serait prolongé et commencerait un mois après la fin de la déclaration de cessation d’état d’urgence sanitaire. Mais suite notamment au mécontentement de professionnels de l'immobilier, une nouvelle ordonnance du 15 avril 2020 "a rectifié le tir" et prévoit désormais expressément que : "L'article 2 de la même ordonnance [celle du 25 mars 2020] est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le présent article n'est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits. » Cette modification de l'article 2 a un caractère interprétatif." Ainsi, le droit de rétractation qui "tombe" dans la période juridiquement protégée (entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré) n'est "plus "prorogé et reste de dix jours. Des problématiques et un important débat juridique va naître de cette modification au mépris de la sécurité juridique comme exposé dans mon dernier article. Et quid de la condition suspensive d’obtention d’un prêt en période de confinement ? Si votre délai de rétractation a déjà été purgé (vous avez bénéficié des 10 jours de rétractation et vous n’avez pas exercé votre droit de rétractation), vient désormais l’étape de l’obtention de votre offre de prêt immobilier. En effet, la quasi-totalité des compromis de vente prévoit une « condition suspensive d’obtention de prêt » et en pratique le délai « traditionnel » est de 45 jours. Néanmoins, nous le savons, les services bancaires peuvent être paralysés et il est légitime de s’interroger sur la levée de la condition suspensive par l’obtention d’un prêt en cette période si particulière. L'ordonnance du 25 mars 2020 a prévu un « rallongement » des délais légaux qui expirent pendant la période d'état d'urgence sanitaire. Toutefois, ces allongements de délais ne s'appliquent qu'aux délais légaux c'est-à-dire prévus par la loi (seule la catégorie des délais légaux étant protégée par cette ordonnance, la seconde catégorie des délais contractuels n'étant pas protégée). Sur ce point, au lendemain de l'ordonnance du 25 mars 2020, la doctrine avait d'abord interprété les dispositions de cette ordonnance de prorogation de délais comme s'appliquant aux conditions suspensives légales (d'un mois car prévue par le Code de la consommation) et comme ne s'appliquant pas pour la partie contractuelle du délai lorsque les parties avaient allongé le délai de la condition suspensive prévu par la loi à 45 ou 60 jours puisqu'il ne s'agissait plus en l'espèce d'un délai légal mais contractuel ... Néanmoins, une « fiche technique » de la direction des Affaires civiles et du sceau du 16 avril 2020 a précisé que " les conditions suspensives d’obtention d’un prêt dont le délai de réalisation arrive à échéance pendant la période juridiquement protégée ne sont pas prorogées ". En effet, le Ministère de la Justice considère que la condition suspensive de l'article L. 313-41 du Code de la consommation reste d'origine contractuelle : "Il n’en va pas différemment pour la condition suspensive d'obtention d'un prêt prévue à l’article L. 313- 41 du code de la consommation. Cette condition suspensive reste en effet d’origine contractuelle, même si la loi aménage cette condition. La loi prévoit seulement qu’en cas de financement de la vente par un prêt, l’obtention de ce prêt doit être une condition suspensive du contrat. Pour autant la condition reste contractuelle ; en outre la loi impose seulement un délai minimal pour l’accomplissement de cette condition, fréquemment allongé contractuellement. Au demeurant le mécanisme de la condition suspensive n’est pas un acte prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction." Ainsi, il n'y a "finalement" pas d'allongement de délais des conditions suspensives En tout état de cause, en cas de difficultés d'obtention du prêt par l'acquéreur dans le délai contractuel, il faut garder à l'esprit la jurisprudence selon laquelle le vendeur, qui n'a pas mis en demeure l’acquéreur de présenter un accord de prêt dans la durée du compromis, et même après que le terme contractuel ait été dépassé, ne peut se prévaloir de la caducité.
par Cabinet d'Avocats GUERINOT & PAGANELLI 11 mai, 2020
A l'approche du déconfinement, et en vue de la reprise partielle de l'activité scolaire, votre Avocat à Nice vous conseille sur les nouvelles mesures de chômage partiel et de garde d'enfants. Concernant les mesures pour faire face à la crise, il y a eu un avant confinement, un pendant le confinement, il est désormais temps d'envisager l'après. Concernant les salariés ne pouvant plus exécuter leur contrat de travail, deux mesures principales ont été mises en place. Dans un premier temps, le chômage partiel : Cette mesure avait notamment pour vocation de "soulager les employeurs" en leur offrant la possibilité de placer leurs employés sous ce statut en l'état d'une activité réduite par la crise sanitaire. Cette mesure était indispensable et va le rester, notamment concernant les bars et restaurants dont la date de réouverture est à ce jour inconnue. Dans un second temps, notamment parallèlement la fermeture des écoles, a été mis en place le système de la garde d'enfants. Ce dispositif concernait les parents qui ne disposaient d'aucun autre moyen de garde et qui, ce faisant, devaient quitter leur poste pour pouvoir s'occuper de leur enfant. Dans ce cas, l'Etat assurait également un maintien des rémunérations concernant les salariés. Pour autant, le 11 mai 2020, la réouverture des écoles a été annoncée. Cette annonce est en demi-teinte puisque l'école ne sera ni obligatoire, ni continue. Dès lors il convient de s'interroger sur les mesures concernant les parents qui ne disposeront plus de mode de garde. Une loi de finance rectificative a été adoptée le 25 avril 2020 permettant de préciser les dispositifs mis en place. C'est précisément l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 qui vient fixer les modalités de chômage partiel / Garde d'enfants : "I. - Sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : - le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ; - le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ; - le salarié est parent d'un enfant de moins de seize ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile. II. - Les salariés mentionnés au I du présent article perçoivent à ce titre l'indemnité d'activité partielle mentionnée au II de l'article L. 5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises. Cette indemnité d'activité partielle n'est pas cumulable avec l'indemnité journalière prévue aux articles L. 321-1 et L. 622-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux articles L. 732-4 et L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime ou avec l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail. L'employeur des salariés mentionnés au I du présent article bénéficie de l'allocation d'activité partielle prévue au II de l'article L. 5122-1 du code du travail. III. - Le présent article s'applique à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du début de l'arrêt de travail mentionné au premier alinéa du I du présent article. Pour les salariés mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du même I, celui-ci s'applique jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020. Pour les salariés mentionnés au dernier alinéa dudit I, celui-ci s'applique pour toute la durée de la mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile concernant leur enfant. Les modalités d'application du présent article sont définies par voie réglementaire." A titre préalable, il convient de préciser qu'une fiche pratique a été établie sur le site Service-Public du gouvernement : Quelles dispositions sont prévues si je dois garder mon enfant à la maison ? En tout état de cause, les dispositions de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 ont le mérite de la clarté : "I. - Sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants : - le salarié est parent d'un enfant de moins de seize ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile." Ainsi, force est de constater que cette nouvelle loi vient uniformiser les deux régimes. Désormais, si aucune mention n'est faite de l'ancien régime dit "garde d'enfants", le principe de la garde d'enfants est intégré aux règles du chômage partiel. La fiche pratique établie sur le site Service-Public du gouvernement détaille les rouages de ce dispositif. Quelles dispositions sont prévues si je dois garder mon enfant à la maison ? En cas de chômage partiel, notamment pour garde d'enfants, l'employeur "réalise une demande d'activité partielle sur le site dédié du Gouvernement « activitepartielle.emploi.gouv.fr » ou sur « cesu.urssaf.fr » pour les employeurs Particuliers." Concernant l'indemnisation, votre Avocat à Nice attire votre attention sur le fait que les pourcentages varient de la sorte : - 100% d'indemnisation pour les salariés rémunérés habituellement au SMIC ; - environ 84% du salaire net pour les autres salariés ; Toutefois, une baisse progressive est envisagée à 66% après 30 jours de chômage partiel, puis 50% après 60 jours
par Maître Grégoire HERVET 04 mai, 2020
La crise sanitaire actuelle et le confinement qui en résulte, comporte des répercussions importantes sur le déroulement de la procédure de demande d’asile. En voici un inventaire non exhaustif. 1- L’impossibilité d’enregistrement de la demande d’asile Depuis le 22 mars 2020, l’OFII a totalement suspendu son activité et ce, jusqu’à une date indéterminée. Cela inclut l’arrêt de l’activité de la plateforme téléphonique dédiée à la prise de rendez-vous en guichet unique, par laquelle devaient passer les demandeurs d’asile résidant en Ile-de-France. Cette suspension comporte inévitablement des conséquences néfastes pour les demandeurs qui, du fait de l’impossibilité de faire enregistrer leur demande, se retrouvent privés du mécanisme des conditions matérielles d’accueil et donc, d’un droit au logement et à l’aide financière dont ils disposent en temps normal. En conséquence, beaucoup de demandeurs d’asile se retrouvent à la rue, ce qui fragilise encore plus ces personnes déjà très vulnérables. La cessation de l’activité de l’OFII s’accompagne de la fermeture au public des guichets de la plupart des préfectures. Face à cette situation, plusieurs associations dont l’Acat, le Gisti ou encore la Ligue des droits de l’homme, ont demandé aux autorités administratives de trouver un moyen permettant de faire cesser la violation des droits des demandeurs d’asile, en leur permettant notamment d’accéder aux CMA. Toutefois, aucune réponse positive ne leur a été apportée. En conséquence, ces associations ont procédé à la saisine du tribunal administratif de Paris le 15 avril dernier, afin que celui-ci ordonne la reprise du service d’enregistrement des demandes d’asile, qui constitue un droit internationalement reconnu pour les demandeurs. Par une ordonnance en date du 21 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, après avoir constaté l’atteinte grave et manifestement illégale provoquée par la suspension totale de l’enregistrement des demandes d’asile en Ile-de-France, a enjoint : aux préfets d’Ile-de-France, de procéder à la réouverture des guichets uniques (GUDA) afin de permettre l’enregistrement des demandes, dans un délai de 5 jours ; à l’OFII, de procéder à la remise en service de la plateforme téléphonique dédiée à la prise de rendez-vous en GUDA (TA Paris, réf., 21 avril 2020, n°2006359/9). 2 - Prorogation des délais pour le dépôt de la demande d’asile devant l’OFPRA Contrairement à l’OFII, l’OFPRA n’a pas suspendu son activité et enregistre toujours les demandes d’asile qui lui parviennent par voie postale. Toutefois, pour les demandeurs qui se trouvent dans l’impossibilité de déposer leur demande, les délais, pour ce faire, ont fait l’objet d’une prorogation. Ainsi, toutes les demandes d’asile qui devaient être adressées à l’OFPRA entre le 12 mars et le délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, devront être déposées « avant l’expiration du délai initialement imparti, décompté à partir de la fin de cette période ». Pour rappel, après l’enregistrement de leur demande en guichet unique, les demandeurs d’asile doivent introduire leur demande devant l’OFPRA dans un délai de 21 jours. Si l’on se réfère à l’ordonnance du 23 mars 2020, le délai d’introduction devrait courir de nouveau, à partir du 24 juin 2020. L’OFPRA fait toutefois remarquer sur son site, que de nouvelles mesures administratives pourraient retarder le déclanchement de ce délai. 3 - Prorogation des délais de recours devant la CNDA De même que l’OFPRA, la CNDA indique être toujours en mesure d’enregistrer les recours ainsi que les demandes d’aide juridictionnelle qui lui parviennent. Cependant, les délais de recours devant la CNDA ont bien été interrompus. Il en résulte que, pour les recours dont le délai expire entre le 12 mars et le délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, celui-ci recommencera à courir à partir de cette date, et ce, pour sa durée initiale d’un mois. Le même dispositif s’applique aux demandes d’aide juridictionnelle formulées devant la Cour. Pour rappel, le délai pour faire une demande d’aide juridictionnelle devant la CNDA est de 15 jours.
Afficher les articles suivants
Share by: