La garantie des vices cachés, garantie légale fondée sur la vente, a toujours fait couler beaucoup d’encre en jurisprudence.
Pour mémoire, ce n’est qu’au début des années 1990 que la Cour de Cassation l’a distinguée clairement de la simple non-conformité du bien à la commande, qui s’analyse en un manquement à l’obligation de délivrance du vendeur, un arrêt du 14 mai 1996 mettant fin à la controverse après plusieurs tentatives de ses différentes chambres.
Pour exemple, l’objet mobilier commandé en couleur rouge et qui est livré en couleur bleue n’est pas conforme à la commande, puisque l’objet livré ne présente pas toutes les caractéristiques de la commande. En revanche, si l’objet, livré dans la couleur commandée, présente un défaut non décelable à la livraison, nous sommes dans le cas d’un vice caché, qui correspond, par définition, à un défaut que l’acheteur ne connait pas, mais qui rend la chose vendue impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il l’avait connu.
Une très abondante jurisprudence pose que le vice caché peut n’exister qu’en germe au moment de la vente initiale, pour se révéler beaucoup plus tard.
Or, en cas de vice caché, l’acheteur a le choix entre demander une réfaction du prix de vente (on parle d’action estimatoire) ou poursuivre l’annulation de la vente et la restitution du prix payé (action rédhibitoire) avec la particularité qu’il a l’obligation de la faire dans un délai qui, depuis la transposition en droit français de la Directive Garanties de 1999, est uniformément fixé à deux ans à compter de la découverte du vice, mais qui, auparavant, était dénommé « bref délai »par l’article 1648 du code Civil, à la discrétion du juge.
Pour la Cour de Cassation, la durée de ce bref délai après la découverte du vice était comprise entre six et neuf mois, ce qui dans bien des cas, était très court, et expliquait que les juridictions du fond appréhendent de tels litiges sous l’angle d’un manquement à une obligation de délivrance, plutôt que sous celui de la garantie des vices cachés, pour être secourables au consommateur.
En 2001, le parcours de l’acheteur se complique, car la Cour de Cassation pose que l’action en garantie des vices cachés doit être introduite non seulement dans le délai spécial de l’article 1648 du Code Civil, mais également dans le délai de prescription extinctive de droit commun qui, à l’époque, est de Dix ans en matière commerciale, et de trente ans en matière civile, délais qui ont pour point de départ la vente elle-même.
Si, dans la majorité des cas, la garantie des vices cachés est invoquée par un consommateur contre un professionnel, il n’est pas inutile de préciser qu’elle peut très bien être invoquée aussi contre un vendeur profane, comme par exemple le vendeur de véhicule d’occasion.
La logique suivie est alors que si l’obligation d’agir à bref délai en garantie des vices cachés n’est pas enfermée dans le délai de droit commun, ce dernier délai n’a pas de portée pratique en cas de vice caché, ce qui, d’un point de vue juridique, se conçoit parfaitement.
Mais, une différence d’exposition au risque assez frappante résulte de cette nouvelle exigence, car lorsque le vendeur professionnel ne peut plus voir sa responsabilité engagée pour vice caché dix ans après avoir vendu le bien, le non professionnel risquait d’avoir à en répondre pendant vingt ans supplémentaires.
Puis, en 2008 survient la réforme du droit de la prescription qui, si elle fixe à cinq ans la prescription extinctive de droit commun en matières civile et commerciale, n’en unifie pas le point de départ.
En matière commerciale, le texte se borne à fixer à cinq ans la prescription des « obligations nées entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants… », ce qui autorise à raisonner comme auparavant.
Mais en matière civile, la nouvelle prescription de cinq ans court « à compter du jour où le titulaire d’un droit à connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
En cas de vice caché, c’est forcément à partir de la découverte du vice que le délai de droit commun va courir, soit un point de départ analogue à celui du délai spécial de deux ans de l’article 1648.
Autrement dit, le commerçant acquiert le droit de ne plus être poursuivi pour vice caché cinq ans après avoir vendu le bien, alors que le particulier reste tenu durant toute la vie du bien et quelques soient les mains dans lesquelles il se trouve.
Alors que se multiplient les plateformes de vente entre particuliers, ce rappel n’est pas inutile.